migraine


elle a le nom de tempêtes humaines et elle viendrait des enfers _ on dit que Pangu la protège de tous ces mercenaires _ elle aurait cent-huit ans et elle persévère _ elle collectionne les faciès sur lesquels elle colle des muselières _ elle n'a pas de visage tout trait est éphémère _ personne ne se souvient de sa face centenaire _ du conscient commun elle n'est pas bénéficiaire _ elle rit du présent elle est légionnaire tortionnaire meurtrière mais pas révolutionnaire _ sa trace est haute mais dans vos têtes elle devient nébulaire _ elle n'existe que quand elle est là, chimère _
cerberus _ museleuse _ ne laisse aucun souvenir _ ah


il paraît que migraine a un joli sourire.
c'est bête que personne ne puisse s'en s o u v e n i r.

ah migraine, qu'on ne se méprenne, elle est dionysienne (elle chante elle danse elle rit elle boit, elle a des yeux qui pétillent et des voix qu'on oubliera)
elle a des répliques cinglantes sanglantes insolentes (de douceur et d'amertume, de choses aussi légères qu'une plume)
mais elle rit on dirait presque qu'elle crie (d'un soir délicate célimène et ensuite horrible migraine)
mais elle pleure on dirait presque qu'elle se meurt (d'un jour belle commédienne et ensuite sombre pythienne)
elle n'a de constant que son oubli dont elle se nourrit (et ses mélancolies ses névroglies assoupies)
elle n'a de beau que sa folie qu'elle embellit (inassouvis que sont ses propres ordalies)
on la voit on ne l'aime pas (le semblant de blanc l'accablant moment où plus rien n'est vraiment)
on la voit on ne peut pas (le rouge d'une épouse qui jalouse pareille à une louve)

elle s'en va
peut-être reviendra
vous ne le saurez p a s.
Migraine a des crises de panique. Elle a le coeur qui vibre les ventricules qui s'agitent, elle voit le ciel laiteux elle croit que c'est la couleur du manque d'oxygène et du monde qui va s'envoler
Migraine a des crises d'angoisse. Elle a les ongles rongés au sang elle réagit trop vite trop vivement elle a les yeux qui dérivent sur les détails qu'elle regarde trop elle est paralysée dans sa frénésie elle ne peut plus s'arrêter
Migraine a des crises d'absentéisme. Elle a les iris qui divaguent et des sourires qui s'effacent, elle a des mains qui tremblent et la voix qui casse, comme si elle savait qu'on attendait trop d'elle, qu'on veuille qu'elle lui donne des ailes.
Migraine a des crises elle convulse dans son esprit elle enrage qu'on ne se souvienne pas elle veut étrangler le monde le rendre aussi muet qu'elle incomplet comme elle se sent et elle l'aime-
Migraine a des crises elle hurle elle rit elle trouve ça pratique alors elle fait n'importe quoi et personne ne pourra rien lui dire alors elle crie encore plus comme d'autres dansent sous la pluie et elle l'aime-
Migraine a des crises elle pleure elle ne sait plus vraiment elle-même elle se retrouve entre des souvenirs que vous n'avez pas elle ne dégage plus ses rêves du réel parce que c'est souvent la même et elle a la haine-
Migraine est une crise elle s'insinue et on ne se rappelle que d'une vague sensation de ces choses dont on doit se souvenir sans jamais réussir à mettre le doigt dessus
Migraine est une crise elle explose vos cerveaux avec ses changements d'humeur ses airs aigris sa poésie sans délices, elle aimerait être aimée du monde ou au mieux détestée mais tout ce qu'elle arrive à être c'est i s o l é e
Migraine est une crise une traitrise une méprise une incomprise, elle se cadavérise se métaphorise s'épuise pour qu'elle soit votre h a n t i s e
Migraine est sottise (c y t i s e)
migraine est née sous un autre nom
elle aurait pu s'appeller bataillon tourbillon sillon mais la vérité c'est que ce n'était pas un don
on l'a oubliée dès qu'elle est née, elle a été délaissée avant même de pouvoir parler -peut-être même que les déesses l'ont ignorée, qu'elles ne l'ont pas vue pas entendue pas reconnue ; ils ont su dès le début que cette fille serait tache ardue
on l'a gardée à portée jamais délaissée mais jamais totalement adoptée ; elle a vogué et parfois elle est tombée
(dans l'oubli dans les débris dans les choses qu'on ne dit)
elle ne se rappelle pas de sa mère (elle est sûrement au cimetière) elle ne se rappelle pas de s'être cassé la molaire (fissurée entre deux vers) elle ne se rappelle pas d'être si bipolaire (futilité patibulaire)
elle se rappelle de ses enfants -les innocents, ceux qui vivent dans son sang, resplendissant à ses yeux putrescent pour les autres orgueilleux
elle se rappelle du masque du dernier, de ses sourires un peu fanés, de son regard déconnecté (de l'identité qu'elle lui a peut-être happé)

et parfois elle se demande, migraine, si elle a bien ces centaines d'années ou si tout n'est que fumée
si tout se finira un jour ou si tout le monde est sourd
si l'amnésie est sa fantaisie ou son euthanasie




FT. CELTY STURLUSON / FACELESS WOMEN / source + source
ceci le dc d'une admin très faible qui aime les roses